• Jésus pleura ..

     

    JESUS PLEURA (jean 11:35)

    Qu'en est-il maintenant de la propre souffrance du Christ dans son amour blessé, et de la pudeur dans laquelle il a pu dissimuler sa souffrance ?

    Dans les trois premiers Evangiles, il est dit une seule fois expressément que Jésus aima quelqu'un : l'homme riche. Dans le quatrième Evangile, les cas sont un peu plus nombreux, mais se comptent toutefois sur les doigts de la main.
    En plus du " disciple que Jésus aimait ", il est seulement dit expressément que Jésus aima trois frère et soeurs : Marthe, Marie et Lazare (11.5). La pudeur de Jésus est telle qu'à aucun moment nous ne le voyons dire son amour à l'une de ces personnes. Pourtant, Marie eut un jour à son égard un très beau geste d'amour, qui bouscule un peu les consignes de la pudeur : elle répandit un flacon de parfum de grand prix sur les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux (12.3). Jésus ne désapprouva pas ce geste, mais le replaça dans le cadre de la pudeur, en le recevant tout simplement comme un geste faisant partie du rituel de ses funérailles. Il est de règle, en effet, de répandre du parfum sur un mort, y compris sur ses pieds.


    En ce qui concerne Lazare, Jésus parle une seule fois de lui à ses disciples, en disant " notre ami Lazare "(11.11). Il suffit de relever qu'il ne dit pas " mon ami Lazare ", mais " notre ami Lazare ", pour mesurer à quel point l'amour de Jésus reste parfaitement pudique.

    Le jour où Jésus parle ainsi de Lazare, il vient d'apprendre que celui-ci est gravement malade. Marthe et Marie l'en ont averti. Et lorsque Jésus arrive, il est déjà trop tard : Lazare est mort !

    A son arrivée, Jésus est conduit par Marie sur le lieu de la sépulture. Ils sont accompagnés par quelques connaissances de la famille. C'est alors qu'en chemin, Jésus a une réaction qui fait dire aux personnes présentes : " Voyez comme il l'aimait " (11.36) . Qu'a donc fait Jésus pour que son amour pour Lazare soit ainsi perçu ?

    Jean nous le dit avec une extrême sobriété : " Jésus pleura " (11.35).
    Oui, Jésus se mit à pleurer ! Et dans ces larmes, l'amour de Jésus se dit clairement, si clairement que cet amour n'échappe à personne.

    Cet amour qui pleure est un amour blessé, blessé par la mort d'un ami. Jean ne fait aucun commentaire sur ces larmes, mais arrêtons-nous sur elles, car elles mettent en cause la pudeur.

    Qu'un homme pleure, cela peut arriver, bien sûr, mais dans le monde biblique la pudeur demande à un homme de ne pas pleurer en public, ou bien de cacher ses larmes, si cela lui arrive. Une femme peut pleurer, cela n'est pas gênant (Est 8.3). Il arrive même qu'on invite des femmes à pleurer (2 Sm 1.24 ; Lc 23.28) ; mais un homme doit savoir dissimuler ses larmes.

    Et c'est un fait que dans la Bible, tous ceux qui cachent leurs larmes devant les autres sont toujours des hommes. Joseph se cache à plusieurs reprises pour pleurer (Gn 43.30, 45.1-2) ; Samuel rentre chez lui pour pleurer (1 Sm 15.35) ; Jérémie s'éloigne en secret (13.17) ; David se réfugie dans une chambre pour pleurer son fils mort (2 Sm 19.1), puis il ressort en gardant son visage sous un voile (19.5) ; Ezéchias sur le point de mourir, trouve encore la force de tourner son visage contre le mur pour ne pas laisser voir ses larmes (2 R 20.2-3). Et s'il arrive que quelqu'un soit témoin des larmes d'un homme, la pudeur lui demande alors de détourner le visage (Es 22.4).

    Tout cela est admirable, mais il n'y a rien de cela ici ! Jésus pleure et ne parvient pas à cacher ses larmes. Cette entorse à la règle est une magnifique révélation de l'intensité de l'amour de Jésus et de l'intensité de sa souffrance devant la mort. La blessure est profonde, mais je crois, malgré tout, que la pudeur de Jésus demeure une réalité ; et c'est ce qui reste à préciser, maintenant.

    Il est arrivé à Jésus de pleurer une autre fois, comme nous le dit Luc (19.41). Ce fut le jour des Rameaux, le jour de son entrée triomphale à Jérusalem. La foule est en liesse et les disciples aussi. Jésus est le seul à pleurer. Alors que tout le monde est à la joie, Jésus ne pleure pas de joie, il se lamente sur Jérusalem, dont il voit venir la fin. Larmes de deuil, larmes de souffrance, à cause de la blessure de son amour pour Jérusalem. Mais ces larmes demeurent pudiques, car elles sont passées inaperçues dans la joie de ce jour. Personne ne les relève, en dehors de Luc. Les autres Evangélistes n'en parlent même pas.

    Avec la mort de Lazare, il en est autrement : tout l'entourage voit Jésus pleurer !
    Si Jean ne fait aucun commentaire sur ces larmes, il utilise cependant un verbe " pleurer ", qui retient mon attention. Jean dit que Marie a pleuré son frère (11.31,33), en utilisant alors le verbe habituel " pleurer "18 que nous retrouvons une quarantaine de fois dans le Nouveau Testament. Mais pour parler des larmes de Jésus, Jean utilise un autre verbe " pleurer "19, si rare qu'il ne se retrouve pas ailleurs dans le Nouveau Testament. Jésus pleura comme personne n'a pleuré ce jour-là !

    Que dit ce verbe si rare ? Ses quelques emplois dans le grec de l'Ancien Testament montrent qu'il ne fait pas partie du rituel du deuil. Et d'ailleurs, ce qui a frappé l'entourage ce n'est pas le deuil que Jésus partage avec Marthe et Marie, mais son amour pour Lazare. Ce sont, en effet, des larmes d'amour. Si Jésus est venu, ce n'est pas pour se lamenter, mais pour ressusciter Lazare, et il va, en effet, affirmer sa victoire sur la mort. Il n'empêche que Jésus pleure. La mort, même vaincue, est terrible et inflige à l'amour de Jésus une profonde blessure ; non pas une défaite, mais une blessure. Jésus pleure : ce sont les larmes d'un amour blessé, et non d'un amour vaincu par la mort.

    Lorsqu'un homme se cache pour pleurer, personne ne le voit, mais tout le monde l'entend cependant (Gn 45.2 ; 2 Sm 19.2), car il est normal dans le monde biblique de pleurer bruyamment. C'est un lieu commun dans la Bible de dire qu'on " élève la voix " pour pleurer (Gn 27.38,29.11 ; Jg 2.4 ; 1 Sm 11.4, 24.17 ; 2 Sm 3.32,13.36 ; Rt 1.9,14), ou bien qu'on pleure " à pleine voix " (2 Sm 15.23 ; Esd 3.12).20

    Dans un contexte de deuil, les larmes s'accompagnent de cris et d'autres manifestations démonstratives. Les endeuillés déchirent leur vêtement, et les amis qui viennent partager le deuil font de même, comme nous le voyons avec les amis de Job : " Levant leurs yeux de loin, ils ne le reconnurent pas. Ils pleurèrent alors à grands cris. Chacun déchira son manteau et ils jetèrent en l'air de la poussière qui retomba sur leur tête " (2.12)

    Le contraste avec Jésus est frappant ; la sobriété du récit évangélique tranche avec tout ce que nous trouvons dans le reste de la Bible, et c'est là qu'apparaît la pudeur de Jésus.
    Au moment où Jésus se met à pleurer, il ne manifeste d'aucune autre manière sa douleur : des larmes et c'est tout ! Jésus ne pousse aucun cri ; il ne fait rien entendre. Des larmes coulent et l'amour les laisse couler, tout simplement, en silence. Ces larmes-là franchissent les limites de la pudeur coutumière, mais elles coulent dans un silence d'une authentique pudeur. Jésus a donné à la pudeur de nouvelles limites dictées par son amour infini.

    Que dire pour aller un peu plus en profondeur dans le mystère de l'amour pudique du Christ ?
    Dans la Bible, comme pour nous aujourd'hui, le siège de l'amour se trouve dans le coeur ; voilà pourquoi, il nous est demandé d'aimer de tout notre coeur (Dt 6.5 ; Mt 22.37).

    Si la source de l'amour est dans le coeur, qu'en est-il du coeur de Jésus ? Aussi curieux que cela puisse paraître, il n'est fait qu'une seule fois mention du coeur de Jésus dans toute la Bible ; et cet unique passage est dans la bouche même de Jésus : " Je suis doux et humble de coeur " (Mt 11.29).

    L'humilité ! C'est tout ce qu'il est dit du coeur de Jésus, mais cela suffit amplement pour éclairer sa pudeur d'une lumière admirable.

    La pudeur du Christ, son immense retenue dans l'expression de son amour, vient de son humilité. Tout s'éclaire soudain : l'humilité rend toujours l'amour pudique ; l'amour humble est forcément pudique.

    L'orgueilleux est toujours ostentatoire, et affiche un amour plus grand qu'il n'est en réalité. Et l'humble fait l'inverse : il dit toujours moins de son amour que ce qu'il n'est en réalité. C'est bien cela la pudeur : l'humble amour qui voile en partie ce qu'il révèle de lui-même.

    Humble et pudique amour du Christ : amour infini qui sera toujours bien au-delà de tout ce que je pourrai en percevoir !

    Dans la même phrase sur le coeur de Jésus, nous apprenons que Jésus est doux. La douceur ! Voilà un autre aspect de la pudeur. L'amour pudique est toujours plein de douceur.

    On ne mesurera jamais assez à quel point la pudeur appartient à l'être même du Christ.

    Les larmes pudiques de celui qui est doux et humble de coeur coulent doucement de l'humble source de son amour.



    GDJ  et SHR

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